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Insécurité et vulnérabilités

L'évolution des violences en France

Introduction

 

Avec la civilisation des mœurs, les violences ont diminué en intensité mais se révèlent difficiles à appréhender et à traiter.

Ce sont des violences mineures, physiques ou psychiques, voire symboliques mais répétitives et indissociables de la souffrance qu'elles créent. Elles perturbent l'environnement familial, professionnel ou scolaire et la victime est souvent dans l'incapacité de réagir. L'auteur, quant à lui, connaît leur caractère néfaste et agit à dessein. L'arsenal répressif, très développé, reste insuffisant et doit être complété par des mesures diversifiées.

Ainsi paraît-il nécessaire d'identifier les caractéristiques communes de ces violences (I) avant d'en inférer les moyens d'action sur leurs causes et leurs effets (II).

 

I. COMPRENDRE LES VIOLENCES

Les années 70 marquent un progrès dans le traitement des violences conjugales, même si certains stéréotypes demeurent et contribuent à l'omerta. Touchant à l'intime, ces violences nécessiteront du temps pour être prises en compte par la Justice. Aujourd'hui, les enquêtes sociologiques montrent que les plaintes restent limitées au regard de la réalité du phénomène. Les violences à caractère incestueux sont les plus nombreuses et les plus traumatisantes. Une part d'ombre subsiste autour des violences sexuelles commises dans le couple comme pour celles qui touchent les hommes. Les campagnes de sensibilisation ont néanmoins libéré la parole. Au plan pénal, ces violences passent du statut d'atteinte aux mœurs à celui d'atteinte aux personnes. Dans le monde du travail, les personnes sont plus facilement mises en cause que les organisations au titre des violences. Quant au milieu scolaire, les signalements de violences (9 %) sont très inférieurs à ceux perpétrés dans la rue (37 %) et confirment la réalité d'une certaine loi du silence.

 

Dans le milieu du travail, on distingue la violence interne, d'un supérieur, d'un collègue, de la violence extérieure à l'entreprise. On discrimine les agressions verbales, physiques, ou symboliques selon le traumatisme causé ou l'atteinte portée aux valeurs morales. On privilégie aussi une individualisation des contentieux plutôt que l'approche collective passée. La violence en milieu scolaire englobe tout type de souffrance. Plutôt endogène, mineure et récurrente, cette violence perturbe la santé mentale et la réussite scolaire avec à terme un risque de dépression ou de suicide. On parle à son sujet de « school bullying », processus de victimation parfois amplifié par le biais des réseaux sociaux. De l'agressé à l'agresseur, il n'y a souvent qu'un pas : aux États-Unis, 75 % des « school shooters » ont connu des problèmes de harcèlement à l'école. À l'âge adulte, leur vie reste marquée par la violence et l'échec personnel. Cette maltraitance dénature aussi la relation enfants – professeurs car ceux-ci ont perdu leur rôle protecteur. Ils ne sont d'ailleurs pas épargnés par les agressions, plus souvent verbales que physiques. La théorie du genre selon laquelle les garçons sont plus souvent agresseurs et victimes que les filles se vérifie et on note une corrélation entre intelligence faible, manque d'empathie et violence. Les facteurs socio-économiques participent à l'aggravation du phénomène et l'appartenance à une bande prédispose à l'absentéisme, à l'indiscipline, et au décrochage scolaire. Les violences sexuelles touchent toutes les classes sociales. Si les viols et agressions sexuels sont difficiles à démontrer dans le couple, 22,6 % des femmes âgées de 18 à 39 ans et 34,9 % des femmes de 40 à 69 ans dénoncent des rapports non consentis. L'avancée en âge des femmes constituerait une vulnérabilité supplémentaire. Les violences commises par des inconnus ne représenteraient au fond que 15 à 20 % des faits.

 

L'évolution des violences signe une mutation sociale où l'environnement joue un rôle important. Dans le milieu ouvrier des années 70, elles constituaient une sorte de rite initiatique pour les jeunes générations. Le chômage, l'immigration, et la précarité ont remis en cause cette cohésion. Le recul des violences graves rend les salariés sensibles à des événements de moindre intensité. Depuis 2010, cette dégradation des conditions de travail, par souci de rentabilité ou pour couvrir des opérations douteuses, se confirme : contraintes, exigences, brimades et cas de conscience sont le lot des salariés. Pour ce qui est de l'école, la sensibilité de la zone géographique où elles se produisent, est en rapport direct avec leur rémanence. Les violences sexuelles ne sont pas non plus isolées de leur environnement immédiat, que ce soit la famille, l'école ou le lieu de travail.

 

Transition

Le constat est insuffisant s'il demeure seulement au stade de la prise de conscience. Les violences n'ont eu pour seule réponse, bien longtemps, que la sévérité des sanctions.

 

II. AGIR SUR LES CAUSES DES VIOLENCES OU LIMITER LEURS EFFETS

 

La crise économique nourrit l'inquiétude autour d'une violence qui progresse au cours des dernières décennies. Les attentes de la population dans le domaine sécuritaire demeurent fortes. Les violences en milieu scolaire ont longtemps été traitées en relation avec la police, la justice ou les collectivités territoriales comme un problème de sécurité intérieure et avec des méthodes essentiellement policières ou techniques. La loi du 23 décembre 1980 est venue, quant à elle, élargir la définition du viol en l'appliquant à la sphère conjugale, l'homme pouvant être aussi victime. Le viol devient un crime passible de la cour d'Assises et les agressions sexuelles un délit. Les plaintes, dès lors, se multiplient ainsi que les condamnations. Durant cette période, la victime prend une autre dimension et se voit prise en charge dans le cadre du procès-pénal et au titre des indemnisations.

 

La réglementation s'est aussi développée dans le domaine du travail pour lutter contre le stress. Si l'entreprise a peu ou pas d'action sur les violences externes, elle se contente souvent au titre des violences internes d'écarter les brebis galeuses. Les enquêtes font néanmoins ressortir la multiplication des agressions des salariés par les usagers. La gestion de conflit chez les salariés en relation avec le public devient dès lors une compétence professionnelle à part entière. Les entreprises doivent encore repenser leur organisation en recherchant les causes des dysfonctionnements et en positionnant les personnels les plus expérimentés dans les secteurs difficiles. Mais c'est souvent l'inverse que l'on observe. Le personnel doit aussi se sentir soutenu par sa hiérarchie et ses collègues lorsqu'il est mis en cause par un usager.

 

La prévention et le bon sens peuvent permettre d'améliorer la prise en charge des violences. Dan Olweus a été à l'origine des enquêtes de victimation permettant d'évaluer l'ampleur du « school-bullying ». Le climat de l'école est loin d'être neutre en la matière et les critères de taille des établissements et des classes, le regroupement en classe de niveau, peuvent avoir une influence positive ou négative. Certains dispositifs de prévention situationnelle se révèlent insuffisants (vidéoprotection), voire contre-productifs (détecteurs de métaux). Les équipes mobiles de sécurité ont été bien accueillies mais doivent s'accompagner d'autres changements comme la mise en place d'assistants de prévention et de sécurité. La loi « Refondation de l'école » fait de la lutte contre le harcèlement une priorité et en recommande une évaluation régulière. La « délégation ministérielle chargée de la prévention et des luttes contre les violences scolaires », structure pérenne, a vocation à mieux prendre en compte ces nouveaux phénomènes.

 

Conclusion

 

C'est donc à une véritable mutation des violences que l'on assiste. Si les crimes de sang sont désormais rares, d'autres formes de violences, insidieuses et pernicieuses, ont pris le relais. Elles transforment en souffrance la vie de la femme au foyer, de l'écolier ou du travailleur, les poussant parfois à des extrémités. La lutte contre ce phénomène s'est beaucoup diversifiée grâce à des mesures sociales, organisationnelles ou préventives.

Pour autant, si la délinquance est souvent prise en charge, la marginalité qui conduit aussi à la déviance est encore sous-estimée et posera question un moment ou l'autre.

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