Appropriation territoriale et sécurité : le déclin de l’État ?
Introduction
Parler d'appropriation territoriale à l'heure de la mondialisation et de la globalisation apparaît quelque peu anachronique. Même les organisations criminelles s'affranchissent largement des contraintes territoriales, qu'elles soient nationales ou même internationales, pour se livrer à leurs trafics. Comme le précise André Michel Ventre, « le lien entre mondialisation et accroissement qualitatif et quantitatif des activités criminelles n'est plus à démontrer » (Ventre, 2013). Pour autant, on ne peut concevoir la sécurité sans l'appréhender dans sa dimension spatiale. Il existe de par le monde des états incapables de faire respecter la sécurité sur leur territoire. On les qualifie de zones grises, de pays « effondrés » ou d'États « faillis »1. Il y a donc bien un enjeu territorial à la sécurité.
La notion de territoire est intimement liée à la population et au pouvoir politique qui a en charge la sécurité. On ne peut exercer de droits et de libertés sur un territoire donné que si la sécurité y est assurée et préservée par un organe souverain, légitime et disposant de la contrainte organisée (Max Weber, 1959). La sécurité repose en effet sur une certaine stratégie visant à opposer à une menace, des actions rationnelles, cohérentes, quotidiennes, ciblées dans le temps et dans l'espace, en vue d'assurer la sécurité des personnes et des biens.
Ce rôle de sécurisation, dévolu à l’État, est considéré comme l'une de ses fonctions régaliennes. De plus en plus cependant, ce privilège semble remis en cause par l'abandon de certaines missions de police et par l'émergence de nouveaux acteurs comme les collectivités territoriales mais aussi et surtout les entreprises de sécurité privée voire même, dans certains cas, la population elle-même. Cette appropriation territoriale devient donc de plus en plus une prérogative partagée et parfois concurrente. Aussi peut-on se demander si l'État dispose toujours des moyens de ses prétentions en matière de sécurité ou s'il doit composer avec les autres acteurs qui se font de plus en plus pressants ? L’État doit aussi tenir compte de l'adversaire, du délinquant, qui remet en cause par son comportement le contrat social en imposant ses propres règles, contraires à la norme et ayant pour but de l'enrichir de manière illégitime. Les criminels vont donc aussi s'organiser au travers d'un territoire face à l'ordre établi et à tous ceux qui voudraient leur faire obstacle. Ils vont constituer ce que l'on appelle des points chauds2 que l'on a tendance à assimiler à tort en France avec nos seules banlieues et autres zones urbaines sensibles (ZUS). L'action de sécurité va être au cœur des rapports existant entre l’État, les délinquants et ceux qui viennent de plus en plus s'ériger en alternative au recours à la police.
L'action de sécurité a pour fonction de protéger un territoire, de rassurer une population, de pacifier une zone. C'est à ce prix que toute personne, sur un territoire donné peut s'estimer en sécurité, c'est-à-dire, pour reprendre la définition du Robert, « dans l'état de tranquillité qui résulte de l'absence réelle de danger » et avec « l'état d'esprit confiant et tranquille d'une personne qui se croit à l'abri du danger ».
Mais lorsqu'on parle de territoire, encore faut-il savoir de quoi il retourne. Dans « territoire » on retrouve la racine terre, qui est sensiblement différente d'un autre terme que l'on assimile à tort à un synonyme et qui s'appelle l'espace ; ce dernier peut en effet être terrestre mais également aérien, maritime ou même encore virtuel avec le développement de l'Internet. L'espace est donc plus vaste que le territoire et l'usage des espaces pour reprendre l'expression d'Ulf Hannerz (1983) consiste « à explorer la ville, ses quartiers, ses institutions, ses réseaux, les communautés ethniques et professionnelles, divers types de citadins : l'étranger, le sans domicile fixe, le vagabond » (Fijalkow, 2002). On s'intéressera ici essentiellement à l'appropriation territoriale dans son acception originelle en distinguant les villes de leurs satellites, à savoir les campagnes et les zones périurbaines.
La diversité des territoires complexifie singulièrement la gestion de la sécurité qui devient un véritable enjeu de société. C'est le cas dans les centres-villes, les cités, qu'elles soient sensibles ou pas d'ailleurs, les zones commerciales, les entreprises, les établissements scolaires, les lieux de transit comme les gares routières, ferroviaires, les aéroports, les voies de communication, etc. Outre le rôle de l'État qui se trouve au sommet de la pyramide, des acteurs toujours plus nombreux, qu'il s'agisse des collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation ou le secteur économique avec les sociétés de sécurité privée, se tiennent prêts à investir l'espace public pour répondre aux préoccupations quotidiennes de la population, notamment dans le domaine de la sécurité où les attentes sont toujours plus exigeantes.
Pour que la sécurité soit efficace sur ces différents territoires, il appartient aux policiers et aux gendarmes d'agir le plus en amont possible pour anticiper, prévenir ou limiter les troubles à l'ordre public. Mais il appartient au juge d'appuyer leur action en appliquant la sanction à l'égard du délinquant. C'est en effet la menace de la sanction qui donne tout son poids à l'action policière. Cette dernière pourra, de ce fait, être conduite de manière graduée. Pour être efficaces dans leurs missions de surveillance, les forces de l'ordre vont avoir en permanence le souci de garder un œil sur les lieux mal famés et les individus peu recommandables. C'est de cette façon qu'elles s'approprient un territoire et qu'elles font reculer l'insécurité dans les villes, les campagnes, les zones périurbaines, sur les chemins ou les voies de communication. Cette mission était souvent conduite par le passé de manière brutale, expéditive ou sommaire, ce qui a pu faire dire à Dominique Monjardet que « la police combat le crime avec les moyens du crime ». Elle est menée en revanche de nos jours avec subtilité, la violence et la contrainte légitimes n'étant recevables qu'en dernier recours et si tous les autres moyens de coercition se sont révélés vains ou inopérants. Dès lors, on le voit bien, cette appropriation territoriale devient toujours plus délicate car il faut à la fois préserver les personnes et les biens, veiller à leur intégrité et en même temps laisser leur libre circulation s'exercer sans entrave. Voilà bien toute l'exigence que requiert ce métier de la sécurité à l'heure où les échanges sont de plus en plus nombreux, rapides et incertains... Cela nécessite à la fois une plus grande spécialisation de la police pour qu'aucun des pans d'un territoire ne lui échappe mais aussi, et de plus en plus, une grande capacité d'adaptation et de coordination dans le cadre d'une stratégie d'ensemble cohérente. Il s'agit en effet de faire échec à une criminalité multiforme, extrêmement labile et capable d'infiltrer tous les milieux et structures de la société française en s'appuyant sur ses faiblesses structurelles et sur ses dysfonctionnements.
La complexité des questions de sécurité est liée à la multiplicité et à l'hétérogénéité des territoires et des acteurs. Toute la difficulté consiste à aborder cette géographie de l'insécurité de manière holistique avec la volonté d'y mettre un terme ou d'en atténuer les effets. À ce titre, la pluridisciplinarité et les partenariats sont des axes à retenir. Quels que soient les territoires concernés, urbains ou pas, force est de constater qu'ils sont de plus en plus perméables à des pathologies criminelles communes et récurrentes (I). Cette porosité (Chevalier, 1958), la gendarmerie a dû y faire face ainsi qu'aux mutations puis à la crise économique qui ont accompagné ces évolutions sociétales. Il est essentiel qu'elle ne soit pas seule à s'impliquer dans ce mouvement très rapide et qu'elle puisse s'appuyer sur des partenaires toujours plus réactifs et des dispositifs pertinents (II).
I. DES TERRITOIRES DÉSORMAIS PERMÉABLES À LA DÉLINQUANCE
11. Ville, banlieue et insécurité : une équation délicate
Il y a une quarantaine d'années, l'opposition ville-campagne reposait essentiellement sur la notion de continuité de l'habitat. Très vite, cette approche s'est révélée peu pertinente avec notamment le développement parallèle de l'automobile et de l'habitat individuel favorisant de nouveaux modes de vie. Un autre facteur opposait la ville et la campagne : la délinquance. Et il est vrai qu'encore récemment, l'insécurité était essentiellement associée à la ville (Coing, Meunier, 1980) ; (Szlakmann, 1992) ; (Body-Gendrot, 1993) : anonymat, contrôle social défaillant, mobilité accentuée des populations, développement du trafic et de la consommation de stupéfiants, concentration des richesses, autant de facteurs propres à expliquer l'augmentation de la délinquance en milieu urbain (Camilleri, Lazerges, 1992) sans oublier que trois-quarts des Français vivent dans des villes.
L'image de la ville a souvent été associée au cadre naturel des problèmes sociaux, de l'insécurité ou de la violence (Coing, Meunier, 1980). C'est aussi ce qui ressortait nettement du rapport Peyrefitte : « la criminalité en France habite les grandes cités ». La grande ville y était même considérée comme un milieu « pathogène » (Peyrefitte, 1976).
Ainsi, certains quartiers des grandes villes concentrent à la fois la majeure partie des faits de délinquance mais aussi les auteurs de ces actes (Roché, 2007). On les a identifié en France sous la forme de zones urbaines sensibles (ZUS) repérées pour les problèmes qu'elles génèrent et qui peuvent, un moment ou l'autre, déboucher sur des troubles importants à l'ordre public. Peu d'études malgré tout ont été conduites en France pour mieux connaître ces banlieues et en déterminer non seulement les faiblesses mais aussi les potentialités. Sébastian Roché propose à ce sujet quelques orientations tirées d'expériences étrangères pouvant se résumer en quatre points :
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La description de la délinquance dans les banlieues ;
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l'identification et les outils mis au point pour leur connaissance par les pouvoirs publics, et l'inscription sur le programme politique de la question des banlieues ;
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la mise en place de politiques déterminées (police de proximité, intensification des interventions, sécurisation) ;
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L'évaluation des impacts des actions (quant aux effets sur les délits et sur la perception des gouvernements).
111. La charte d’Athènes en question
On peut voir au travers de ces cités et zones sensibles un certain échec de l'urbanisme que Le Corbusier ramenait à quatre fonctions essentielles : « La ville doit permettre d'habiter, de travailler, de circuler et de se distraire »3. Quand on regarde l'état de nos banlieues, on conçoit sans difficulté que ces quatre fonctions sont en panne et contribuent à l'exaspération des populations qui y vivent non par leur propre volonté mais surtout par l'incapacité à aller ailleurs.
Les immeubles ont mal vieilli même si la politique de la ville, au cours de ces trente dernières années, a beaucoup investi dans la rénovation urbaine. Les infrastructures et le mobilier urbain sont dans certains secteurs délabrés (ascenseurs en panne, cages d'escaliers dégradées, boîtes aux lettres éventrées, présence de véhicules et de poubelles incendiées sur la voie publique, abris-bus détériorés, etc.). Plusieurs facteurs tels que le mauvais éclairage, le manque de visibilité, la saleté et tout ce qui est inclus dans ce que l'on appelle les nuisances ou les incivilités, contribuent à la perception négative de ces lieux.
Si la crise frappe l'ensemble de la société française, le travail est absent des cités plus encore que sur le reste du territoire. Les taux de chômage sont en moyenne deux fois et demi plus importants dans les ZUS que dans le reste du territoire. Ce sont les jeunes qui sont les plus sévèrement touchés4 et ce phénomène s'est considérablement aggravé à partir de 2008. L'activité dans les quartiers sensibles est bien souvent remplacée par les trafics en tous genres et le développement d'une économie parallèle criminogène.
Les loisirs pour les jeunes se résument souvent à « tenir les murs » même si les travailleurs sociaux sont sans doute plus présents sur ces secteurs qu'ailleurs et s'investissent sans compter auprès des jeunes. Mais comment donner de l'espoir et des perspectives à ceux qui n'ont pour seul horizon que les limites de leur barre d'immeubles ?
Quant à la circulation entre banlieue et ville-centre, elle est souvent malaisée du fait de coupures naturelles (fleuves, cours d'eau, etc.) ou artificielles (voie ferrée, pénétrante, routes à grande circulation et autoroute, etc.).
Cette dégradation persistante du cadre de vie, ces petits désagréments ou désordres ont conduit à d'autres beaucoup plus graves venant confirmer en cela la théorie de la vitre cassée (Wilson, Kelling, 1982). Cette situation s'est soldée pour la France par des émeutes dont les dernières, en 2005, ont revêtu un caractère insurrectionnel.
On le voit bien, les facteurs de l'insécurité dans les villes mais surtout les banlieues où s'entassent des population précarisées, sont multiples et variés et ne trouveront pas de solutions dans les seules mesures de police.
L'aménagement urbain, la cohérence entre les différents quartiers, la prise en charge des problématiques humaines et le retour à une certaine cohésion contribuent sans ambiguïté à la prévention des incivilités et par voie de conséquence à la prévention de l'insécurité. Ces différentes dispositions permettent de réinvestir l'espace public et d'améliorer le cadre de vie des habitants. Elles participent à faire baisser les tensions, les frustrations et le sentiment d'abandon et à ce titre, limitent l'incidence des risques comme celle du sentiment d'insécurité.
112 Sortir des ghettos urbains et rétablir une forme de contrôle social
Il faudra un moment ou l'autre aussi s'intéresser à la nécessaire sortie des logiques de zonage qui contribuent, au même titre que les « gated communities » hyper protégées pour les privilégiés, à enfermer des populations fragiles, dans des « no-go-areas »5 stigmatisantes où l'insécurité et la violence prédominent au quotidien. Le zonage est souvent pour ne pas dire toujours associé à l'appartenance à un quartier considéré comme en déshérence. Il ne contribue pas à une image positive des habitants qui y vivent. Il ne fait que les exclure davantage des autres secteurs de la ville et des opportunités qu'ils offrent, en particulier le travail. Ces quartiers doivent dès lors réintégrer le giron urbain, favoriser à nouveau des flux d'entrée et de sortie comme dans n'importe quelle autre parcelle du territoire. Il s'agit ainsi de lutter contre l'immobilisme qui caractérise ces banlieues et qui finit par devenir source de problèmes.
Ce travail, qui nécessite du temps, de l'énergie, des compétences et sans doute aussi des fonds, commence par l'éradication des trafics de drogue, de la criminalité organisée, par l'éloignement des dealers et des têtes de réseaux, en s'appuyant sur les bailleurs sociaux, le partenariat local, et en associant la population dans toute la mesure du possible. « La prévention de la délinquance peut résulter en partie de dispositifs tendant, par la mobilisation des habitants, à renforcer le contrôle de l'espace » (Dieu, 2013 : 11). Il en va ainsi du Neighbourhood Watch dont l'objectif est double :
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Il s'agit en premier lieu de sensibiliser les habitants à leur propre sécurité, en les encourageant à se ré-approprier la responsabilité individuelle et collective de la prévention des crimes commis dans leur lieu de vie. Ces conseils de sensibilisation visent en outre à inculquer aux propriétaires et aux individus jugés vulnérables les rudiments de la protection des personnes et des biens afin de réduire leurs risques de victimisation.
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Dans un deuxième temps, il s'agit de reconstruire un sens de la communauté basé sur des relations sociales informelles nourries par un partage des préoccupations afférentes à la délinquance et à l'insécurité (Crawford, 1997 : 50). La distribution de millions d'autocollants dans les différents foyers, la pose de panneaux signalant l'entrée dans une zone de surveillance de voisinage cherchent à dissuader les délinquants potentiels en attirant leur attention sur le risque encouru, selon les théories de la prévention situationnelle. Ces dernières insistent sur la nature opportuniste de nombreux crimes, qui peuvent être prévenus en réduisant les occasions offertes aux délinquants ou en augmentant considérablement les coûts et les risques pour ceux-ci (Cusson, 2007 : 407).
En France, c'est la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité (LOPS) de 1995 qui introduit ce concept qui fait de la sécurité un bien partagé. Les textes fondateurs des contrats locaux de sécurité (CLS) en 1997 font évoluer de manière irrémédiable la doctrine de sécurité en France. Les textes subséquents ne feront que confirmer cette volonté. C'est aussi l'émergence d'une gouvernance locale qui se met en marche et qui se doit de revoir les moyens d'administrer la sécurité en faisant appel à la pluridisciplinarité. On ne peut à ce stade faire l'économie d'évoquer en incise les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), qui ont, à la suite des contrats de ville (CDV), et dans leur prolongement, le souci de rénover le cadre contractuel de la politique de la ville en faveur des quartiers et des publics difficiles. Ces CUCS inscrivent aussi leur pertinence au cœur d'un territoire et ont des ambitions géographiques.
113. Offrir des perspectives aux jeunes et redonner vie aux quartiers
Pour les jeunes, l'école doit être remise au centre de leurs préoccupations. Elle constitue sans conteste le creuset commun le plus efficace pour lutter contre l'exclusion et le fondamentalisme. Le retour à l'uniforme, comme c'est encore le cas outre-mer et dans bon nombre de pays étrangers développés, permettrait sans doute de casser les schémas de la mode parfois révélateurs d'une certaine appartenance sociale et générateurs de frustrations. Vecteur favorable au rétablissement d'une certaine égalité de traitement, il pourrait contribuer à focaliser les jeunes sur les véritables valeurs qui fondent la vie en société.
Après, ce sont des perspectives économiques qu'il faut offrir à ces populations particulièrement exposées au chômage et à la précarité. L'instruction et la formation constituent en effet un pré-requis pour entrer dans la vie active mais elles doivent aussi déboucher rapidement sur des emplois. Or il est patent de constater que ces quartiers ne sont jamais pensés comme des territoires économiques pourvoyeurs d'emplois mais comme de simples territoires sociaux. Outre les budgets européens et ceux de la politique de la ville consacrés à ce volet, il importe que les entreprises participent au développement des quartiers. En outre, il faut aussi inciter les talents existants dans les cités à participer à l'essor de leurs quartiers en devenant eux-mêmes créateurs d'entreprises.
Enfin, les activités sociales et les commerces qui ont souvent déserté ces lieux de relégation, du fait, en réalité, de la loi imposée par les caïds, doivent également réinvestir les lieux. Il faut que les occupations licites recouvrent à nouveau droit de cité. Il est temps en effet que le travail revienne dans ces quartiers devenus des cités-dortoirs où couve le feu de l'indignation et de la révolte.
114. D'une police réactive à une police pro-active
D'un point de vue purement sécuritaire, l'appropriation territoriale nécessite que le professionnel, policier ou gendarme, soit capable de tirer des indices qu'il découvre lors des enquêtes, les moyens de mieux connaître son environnement et d'en tirer les conséquences opérationnelles utiles. À ce titre, le magma des faits non élucidés doit continuer à être gardé en mémoire, analysé, et comparé en permanence à des affaires solutionnées. Il s'agit d'en extraire des similitudes, des rapprochements et d'orienter l'activité policière au travers de patrouilles et de surveillances ciblées sur les zones fragiles d'un territoire donné. L'analyse et les rapprochements locaux ont donc un intérêt pour la gestion des territoires. Cela démontre encore, s'il en était besoin la complémentarité et le lien ténu qui existent entre la police judiciaire, le renseignement et la prévention de la délinquance, cette dernière devant s'appuyer sur les constats effectués pour en inférer des solutions visant à rendre la commission du délit plus difficile, en dissuadant l'auteur, ou en durcissant la cible.
Ainsi, dans le cadre des désordres urbains, comme les graffitis par exemple, l'enquêteur pourra tirer un certain nombre d'enseignements à partir de comparaisons des peintures utilisées (Buzzini et Massonnet, 2004) ou encore des graphismes réalisés. L'étude du lieu de l'infraction, le mode opératoire de l'auteur, le mobile de son geste lors de son interpellation sont autant d'éléments à prendre en compte pour développer des dispositions préventives tout en faisant disparaître très rapidement les traces du désordre généré et dissuader ainsi les artistes en herbe déviants. L'appropriation territoriale se décline donc au travers de la détection proactive des signes avant-coureurs de difficultés plus profondes. C'est de cette manière que l'on passera d'une police simplement réactive à une police d'anticipation.
Au final, la lutte contre l'insécurité en milieu urbain se caractérise par la reprise de l'initiative dans la gestion des territoires et le rétablissement d'une certaine normalité qui n'est autre que l'application des lois de la République. Cette maîtrise des territoires est la condition sine qua non pour éviter la création de « ghettos urbains » qui participent au délitement de la cohésion sociale par l'abandon de populations déjà précarisées et sans projets d'avenir.
12. Territoires périurbains : retour aux racines ou pis-aller ?
121. Les débuts
C’est dans les années 90 que l’institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) élabore une nouvelle nomenclature spatiale : le zonage en aire urbaine (ZAU). Son objectif est de donner une définition précise des villes et leur zone d’influence en proposant différentes limites. Ainsi se développe le néologisme périurbain qui définit une zone au-delà de la ville et de sa banlieue. Elle comprend des espaces composites : champs, terres cultivées, habitations tantôt groupées, tantôt dispersées, des fermes, des bâtiments agricoles, des objets proprement urbains, des entrepôts, des centres commerciaux, des usines, des restaurants, des stations-service (Clavel, 2002). L’espace périurbain se définit par une juxtaposition d’espaces ruraux, d’espaces agricoles et d’espaces urbains organisés le plus souvent sans aucun souci de cohérence spatiale. L’émergence des zones périurbaines, sortes de territoires hybrides (Dieu, 2006) entre ville et campagne, aide à comprendre comment progressivement l’insécurité s’est peu à peu insinuée dans le milieu rural sans doute aidée en cela par l’amélioration des voies de communication. Cet espace périurbain, parfois désigné sous le vocable de « rurbain », conséquence d’une « ville éparpillée » (Bauer, Roux, 1976), est en réalité une zone essentiellement résidentielle constituée de maisons individuelles auxquelles viennent s’adjoindre des zones commerciales, industrielles ainsi que des pôles logistiques. Le contour de cet espace est sans doute imprécis à la fois proche des terres agricoles, des zones d’activité économique, des voies de communication et même de zones en friche. Il n’existe pas forcément dans cette forme d’urbanisation erratique une cohérence au niveau de l’occupation de l’espace. Pourtant, à l’échelle du territoire national, cela représente le lieu de vie de quelques dix millions d’habitants rassemblés dans près de dix mille communes, soit environ un sixième de la population française.
122. Entre gentrification et relégation : périurbanisation
Mais lorsqu'on parle de zones périurbaines, on évoque aussi des territoires périphériques dans la mesure où ils se détachent du centre et sont éloignés de la ville tout en disposant cependant d'infrastructures et de commodités de même nature.
Certains parlent à leur sujet de « villes-franchisées » (Mangin, 2004). D'autres revendiquent l'appellation de « France périphérique » en raison du continuum socioculturel existant entre les zones périurbaines, les petites villes, les villes moyennes et les espaces ruraux (Guilly, 2013). Les habitants des zones périurbaines sont volontiers populistes et individualistes, peu soucieux de développement durable eu-égard à leurs incessants déplacements automobiles.
Pour autant l'un des facteurs qui a poussé ces populations bien au-delà des portes de la ville, c'est la gentrification de plus en plus affirmée des centres urbains. Le coût de la vie, et surtout des logements, a largement participé au départ des classes moyennes et modestes vers les zones périurbaines pour les premiers et les banlieues pour les seconds. Entre le centre gentrifié et la banlieue considérée comme un lieu de relégation, le choix pour les classes moyennes s'imposait presque naturellement mais a eu pour effet et par contrecoup de créer une troisième fracture sociale amplifiée par les effets de la crise. Ces territoires sont dès lors devenus « la version la plus exacerbée du rêve des trente dernières années et son retournement le plus violent » (Davezies, 2013).
Il est vrai que les zones périurbaines se sont trouvées à l'écart de la manne de la politique de la ville essentiellement destinée aux banlieues. La jeunesse des zones pavillonnaires en éprouve un certain sentiment de déréliction pouvant entraîner par moment des réactions de désespoir, de révolte, de repli, voire de xénophobie. Cet étalement urbain que l'on constate dans ces zones est bien le révélateur d'une certaine volonté de ne pas vivre les uns avec les autres. Cet éloignement est cependant à double tranchant dans la mesure où il tient ces populations à l'écart des centres d'activités, de l'emploi et donc des opportunités économiques et sociales, ce qui en temps de crise se révèle pénalisant.
Ces différentes raisons expliquent sans doute le succès et l'évolution rapide du périurbain. Rares, en principe, sont ceux qui s'inscrivent dans un périurbain subi à part peut-être les jeunes générations désœuvrées et éloignées des distractions de la ville. La plupart des périurbains sont en effet volontaires pour vivre à l'écart de la ville mais sans idée d'y travailler ou d'effectuer un retour à la terre.
123. Caractéristiques de l’espace périurbain
Les communes périurbaines sont des communes attirées par un ou plusieurs pôles urbains6. Elles ont en effet deux caractéristiques :
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On dit qu’elles sont monopolarisées lorsqu’elles ne sont attirées que par un seul pôle urbain et qu’elles appartiennent à l’aire urbaine centrée sur ce pôle urbain dont elles constituent la couronne périurbaine.
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Elles sont en revanche multipolarisées lorsqu’elles sont attirées par plusieurs pôles urbains. Elles n’appartiennent alors à aucune aire urbaine.
Ainsi pour reprendre la définition donnée par l’INSEE, les communes périurbaines sont les communes des couronnes périurbaines et les communes multipolarisées.
Les zones périurbaines sont d’une certaine manière le résultat d’une très forte augmentation du nombre de personnes travaillant en ville mais résidant à la campagne. Cette situation a eu pour corollaire de rendre plus floues les frontières de la ville (Le Jeannic, 1996). Une forte proportion (40 %) de la population résidente de ces communes fait mouvement vers le pôle urbain pour travailler, générant des déplacements quotidiens de la campagne vers la ville. Vivre dans le périurbain, c’est s’installer non seulement « à la campagne » mais aussi « dans le mouvement » (Donzelot, 2006 : 14). La migration pendulaire domicile – travail constitue en effet le critère le plus pertinent dans l’analyse entre l’urbain et le périurbain. Il permet aussi de discriminer les populations des zones périurbaines de celles habitant encore en zone rurale. La population des zones périurbaines a beaucoup progressé au cours des dernières décennies en raison, d’une part, du dynamisme démographique de ces espaces, et, d’autre part, de leur extension géographique.
124. Des modes de vie qui participent à une délinquance topique
S’il y avait autrefois une certaines solidarité dans le monde rural, ces liens se sont distendus dans le monde périurbain. C’est ce que l’on observe dans certains lotissements entre les habitants qui souhaitent ainsi se préserver d’une certaine forme de contrôle intrusif ou des indiscrétions de voisinage. Ils instaurent entre eux « une cordiale ignorance » (Charmes, 2005) qui a pour but de mettre en place une distance protectrice. Ce mode de vie est parfois qualifié de « syndrome de la haie »7 qui consiste à s’enfermer chez soi et se réfugier dans son jardin, derrière la haie à l’abri de la vue des voisins. Ils vivent ainsi à la campagne comme ils vivraient à la ville. Le corollaire est un manque d’homogénéité de ce peuplement périurbain et l’absence de solidarité et de communication entre ses membres, tout cela renforcé par les migrations quotidiennes vers la ville pour le travail. Ainsi les effets conjugués de l’anonymat et de l’individualisme sont de nature à créer des tensions, voire des conflits lorsque les habitants de ces zones regagnent leur domicile le soir, le week-end ou durant les congés. Aussi observe-t-on dans les zones périurbaines une augmentation des différends de voisinage et des violences conjugales (Dieu, 2006 : 290). Ces deux phénomènes sont révélateurs de fractures propres à cet univers hybride. « L’autre » est celui qui porte atteinte à la paix tant recherchée en fuyant la ville. Dans un tel état d’esprit, les gens ne se parlent plus et font appel systématiquement à la médiation des gendarmes pour régler leurs différends et leur absence de communication. Les gendarmes indiquent d’ailleurs à ce sujet que leur métier a bien changé et que leurs interventions sont souvent loin de leur cœur de métier sans pour autant permettre de régler les difficultés qui relèvent davantage du vivre ensemble (Dalier, 2012).
Si les gens cohabitent par la force des choses – regroupement des services, moyens collectifs mis à leur disposition, etc. – force est de constater qu’ils ne se parlent plus. Les déplacements de la commune ou du lotissement vers la ville, outre le fait qu’ils ne sont pas à citer en exemple en termes de développement durable, contribuent à générer une vulnérabilité supplémentaire pour les habitants des zones périurbaines y compris dans le domaine du risque routier. L’abandon de ces zones en journée favorise également le développement des délits d’appropriation comme les vols et les cambriolages. Les auteurs bénéficient en effet d’une plus grande latitude d’action et peuvent opérer en plein jour tout en limitant les risques d’interpellation. D'où la nécessité, dans ces zones, de développer une surveillance réticulaire8 plus à même de répondre à ce type de phénomène.
13. L'espace rural, un déclin sans fin
131. Un espace rural de plus en plus vulnérable
Le milieu rural apparaît ab origine, à côté de la ville, de sa banlieue ou des zones périurbaines, comme un espace de vide et de désertification9, en principe peu propice au développement de la délinquance et de la violence. L’espace rural a toujours été assimilé à « une campagne érigée en conservatoire de la pureté naturelle et des bonnes mœurs » (Donzelot, 2006) même si l’on observe dans un même temps que cette situation est en partie due à une forme de dépeuplement : « La France est atteinte d’une sorte de nécrose des extrémités. Le vide engendre le vide : quand la population s’amenuise, on tend à supprimer les services publics ; à mesure que les services publics disparaissent, il devient plus difficile de rester » (Peyrefitte, 1976). Ne parle-t-on pas non plus de la fameuse diagonale du vide qui traverse la France de part en part, du sud-ouest au nord-est en incluant les massifs montagneux ?10 (Barthe, Milian, 2012).
Les zones rurales se définissent a contrario de l’espace urbain. C’est au fond l’ensemble des communes ou petites unités urbaines n’appartenant pas à l’espace à dominante urbaine. Il est très vaste et représente 71 % de la superficie totale et les deux tiers des communes françaises.
À la fin des années 90, cependant, il est difficile de faire l’impasse sur le développement de l’insécurité dans les campagnes. Les zones rurales ne sont plus épargnées par l’insécurité ni le sentiment d’insécurité (Dieu, 1997) : « Le décideur politique, comme d’ailleurs l’observateur des phénomènes sociaux, ne peut légitimement faire l’impasse sur les problèmes de sécurité dans ce que l’on appelait naguère les campagnes ». On constate en effet que « les cambriolages gagnent la campagne, les gendarmes n’y peuvent rien. Leur territoire est envahi par les logiques urbaines » (Roché, 1994).
En 1996, la commission Jullien faisait ressortir des évolutions inquiétantes en zone de gendarmerie nationale (ZGN) touchant au rajeunissement de la population délinquante, au développement de la délinquance liée à la drogue et au recours de plus en plus fréquent aux armes. Quelques dix ans plus tard, c’est encore l’insécurité et la violence qui prédominent sur la scène politique et médiatique. Cette insécurité qui constituait essentiellement l’apanage des villes, envahit à présent la campagne que l’on pensait préservée par ces phénomènes (Mucchielli, 2007). Certaines zones rurales sont d’autant plus frappées par la délinquance qu’elles sont confrontées à une affluence saisonnière importante à la montagne comme à la mer. Il existe donc plusieurs formes de ruralités. François Dieu en distingue trois (Dieu, 1999 : 18) :
- Le rural traditionnel11 ;
- Le rural profond12 ;
- Le rural touristique13.
Durant cette période, on observe de plus en plus une forme de capillarité entre l’espace urbain et rural, et cela tient en grande partie aux modes de vie, de consommation et de travail qui changent ainsi qu’aux technologies qui favorisent une plus grande mobilité et une meilleure communication. Cette situation réduit pour une grande part le clivage qui jusque-là prévalait entre la ville et la campagne (Dieu, 1999).
Ainsi, aujourd’hui, même l’espace rural est exposé à la montée de la violence. La perception de l’insécurité n’y est pas la même que dans le milieu urbain : La peur causée par la ville est sans doute très différente de celle éprouvée à la campagne : « ce n’est pas la quantité des faits qui touche les habitants à la campagne, mais le degré de proximité avec l’événement » (Jouenne, 2007). Pour autant, la différence entre valeur absolue et valeur relative a ici toute son importance. En milieu rural, un fait de plus enregistré en statistique peut conduire à un doublement de la délinquance observée habituellement et il convient donc d’être prudent pour ne pas tirer de conclusions hâtives.
On peut y observer cependant des phénomènes qui étaient autrefois inconnus ou réservés à la ville et sa banlieue. L’intolérance aux nuisances se fait tout d’abord ressentir chez les nouveaux résidents des zones rurales qui ne tolèrent même plus le chant du coq ou le tintement de la cloche de l’église et par voie de conséquence les bruits naturels et traditionnels de la campagne. Ils vont d’ailleurs parfois même jusqu’à déposer plainte face à ces pseudo-nuisances pourtant perçues comme des agressions.
132. Un monde rural malade de sa jeunesse
Parmi les autres nuisances, il faut citer le cas des regroupements de jeunes. La formation de bandes qui envahissent l’espace public des petites communes est ressentie par la population comme une menace diffuse. Il est vrai que la société a peur des jeunes14. Selon certaines études récentes, ce « péril jeune » touchera de plus en plus les zones suburbaines et rurales. C’est une observation récurrente qui se confirme aux États-Unis depuis une vingtaine d’années (Soullez, Gourdon, 2009). L’école est pointée du doigt à ce titre. Elle constitue souvent le vecteur commun de la constitution de ces bandes. Ces dernières se seraient développées à hauteur de + 17 % en zone suburbaine et de + 33 % en zone rurale15 entre 2003 et 2005. Les jeunes alimentent les fantasmes et contribuent au développement du sentiment d’insécurité parmi des populations autrefois épargnées16. En effet, chaque commune rurale porte un regard particulièrement aigu sur ses jeunes, tantôt protecteur, tantôt désapprobateur en fonction de la perception locale. Tout jeune qui sort de la norme se condamne à une certaine marginalité aux yeux des habitants. Ces comportements atypiques de la part des jeunes vont générer des attitudes de rejet de la part des plus anciens. Les actes d’incivilités commis par les jeunes vont provoquer chez les habitants une crainte qui va croître avec l’âge et la fragilité de la vieillesse. On observe ainsi en milieu rural l’émergence d’un sentiment d’opposition intergénérationnelle qui peut parfois expliquer la montée des votes extrémistes dans certaines zones pourtant encore épargnées par la délinquance. Le risque est de voir à terme des rapports conflictuels s’installer durablement entre les jeunes et les vieux et dont ces derniers sortiront sans doute encore plus affaiblis et fragilisés.
La consommation de drogue des jeunes ruraux devient également préoccupante. Elle constitue pour eux un refuge face à un climat d’insécurité sociale et économique. Pour quelques jeunes, le cannabis n’est d’ailleurs pas considéré comme une drogue mais bien plutôt comme un antidépresseur au même titre que pouvait l’être l’alcool pour les générations précédentes. Cela peut en partie expliquer également la rupture du lien intergénérationnel.
Les jeunes des milieux populaires ont vu leurs parents connaître de nombreuses galères et se voient exposés à une vie sans relief. Ils n’envisagent d’ailleurs plus de rester dans leur commune d’origine. Les enfants d’artisans et d’ouvriers refusent les conditions de vie de leurs parents. Ces derniers abondent souvent dans leur sens et les encouragent à aller faire leur vie ailleurs. Alors certes, il y a les études supérieures puisqu’en principe un diplôme met à l’abri du chômage mais même ce discours est de moins en moins entendu. L’école comme ascenseur social, au regard des effets de la crise, ne fait plus recette. Beaucoup de jeunes n’ont plus d’espoir, ne se projettent plus dans un futur auquel ils ne croient plus.
Le monde rural n’est pas non plus épargné par le phénomène du suicide. Celui-ci a beaucoup augmenté de 1976 à 198517 pour redescendre jusqu’en 1990. Depuis cette date, on observe une nouvelle remontée18 à laquelle la crise n’est sans doute pas étrangère. C’est le suicide des 15-24 ans qui est le plus significatif et il semble en corrélation avec le taux de chômage qui frappe cette catégorie de la population.
Ainsi, le monde rural est malade de ses jeunes même s’il est faux de penser qu’ils n’attachent plus de valeur au travail, à la famille ou à la société. Mais il faut bien reconnaître que le travail fait défaut, que la famille est fragilisée par cette situation et que la société, dans son ensemble, a perdu beaucoup de sa cohésion par le développement d’un individualisme forcené qui se retrouve de plus en plus à la campagne.
133. La délinquance propre à l’isolement et au vieillissement
Certaines vulnérabilités sont propres à l’espace rural. La multiplication des résidences secondaires, inhabitées une bonne partie de l’année, souvent isolées, favorise le développement des cambriolages. Ce même isolement peut intéresser des terroristes pour préparer leurs actions ou se faire oublier une fois leur forfait exécuté19. Le vieillissement des populations constitue encore une vulnérabilité supplémentaire et fragilise les populations de la campagne face à une certaine délinquance, non sédentaire, très mobile et n’hésitant pas à recourir à la violence et à la ruse pour dépouiller leurs victimes.
134. Une absence de prise en compte de la question sécuritaire
Toutes ces turpitudes sont sans doute aussi la conséquence d'un manque de prise en compte de la question sécuritaire dans le milieu rural. Contrairement à la gouvernance de la ville qui en fait l’un de ses axes prioritaires, cette réflexion fait défaut dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire d’une manière quasi récurrente (Dieu, 2009). Cette carence constitue une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où les populations rurales « cultivent tendanciellement une allergie plus importante à l’égard des phénomènes de délinquance »20. Elle peut conduire les habitants des zones rurales à penser qu’ils sont livrés à eux-mêmes dans le domaine de la sécurité et que ce désintérêt, conjugué à la fermeture des services publics, participe à l’abandon des campagnes.
La gendarmerie est au cœur de toutes ces problématiques d’insécurité étant traditionnellement chargée des zones rurales. Elle est souvent l'un des derniers services publics à exercer la présence de l’État dans ces zones isolées du confort et du développement économique. Son implantation lui permet encore de répondre à la détresse des habitants qui se sentent délaissés. Mais pour combien de temps ?
II. VERS UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE LA SÉCURITÉ DES TERRITOIRES
21. Gendarmerie, force de sécurité entre ruralité et périurbanité
211. Des mutations rapides et de nouveaux défis à relever
La gendarmerie est confrontée, depuis un peu plus d’une vingtaine d’années aux changements conséquents qui se sont opérés sur son territoire d’intervention, à l’origine essentiellement rural, et notamment à l’émergence des zones périurbaines. Ces dernières sont en proie aux mêmes déconvenues que les quartiers sensibles ou les banlieues des grandes agglomérations.
L’institution a dû s’adapter et mettre en place des mesures de nature à répondre à de nouvelles formes d'insécurité et aux besoins particuliers des territoires périurbains. Les mutations rapides n'ont pas facilité le travail d’une institution traditionnellement habituée à fonctionner en milieu rural.
Une étude de l’Insee en 1995 prévoyait déjà un transfert de population de l’ordre de 7,6 millions d’habitants des centres villes vers les zones périurbaines entre 1990 et 2015 (Dieu, 2006 : 295). Cette périurbanisation de la gendarmerie est devenue une réalité puisqu’elle y consacre désormais près des deux tiers de ses effectifs. Tous les redéploiements d’effectifs effectués ces dernières années ont été réalisés avec la volonté de limiter les inégalités de charge de travail entre les gendarmes des villes et ceux des champs.
Mais cette augmentation des effectifs ne semble qu’imparfaitement répondre aux enjeux de sécurité qui se dessinent pour les années à venir. L’arrêt brutal du développement des zones périurbaines laisse à penser que ces dernières sont entrées, au vu de certains indices de dégradation21, dans une forme de « spirale du déclin » (Benhamou, 2004 : 33) où les vulnérabilités se traduisent déjà par une plus grande précarité économique, un isolement plus important, une inadaptation des services aux besoins des usagers, une dégradation de l’habitat et au fond un sentiment de relégation qui n’est guère plus éloigné de celui que peuvent ressentir les habitants des cités sensibles des grandes villes.
La gendarmerie a deux défis à relever :
-
Une présence affirmée dans les zones rurales ;
-
Une action toujours plus incisive dans les zones périurbaines ;
Pour conduire à bien ces missions, il lui faudra encore réfléchir à une meilleure occupation des territoires, tout en s'interrogeant sur l'apport que peuvent lui fournir les autres acteurs impliqués dans la sécurité locale. Une nouvelle stratégie sur le découpage territorial doit participer à cette approche et un partenariat plus étroit est encore à construire dans le cadre de la politique de surveillance du territoire notamment en assurant une meilleure synergie avec les polices municipales voire en créant une nouvelle « police territoriale »22.
212. Vers une évolution permanente du maillage territorial
Le processus des communautés de brigades a permis de répondre aux défis posés par les changements rapides intervenus au cours des décennies précédentes. Il s'est appuyé en grande partie sur le maillage23 territorial pour instaurer cette nouvelle organisation. Ce maillage, pour rester efficient, doit pour autant tenir compte de données de plus en plus nombreuses et parfois contradictoires qui interfèrent dans le domaine de la sécurité. Les limites des circonscriptions pourraient ainsi être redessinées pour correspondre à une entité territoriale cohérente par rapport aux structures administratives mais aussi aux bassins de délinquance, à la qualité des infrastructures routières et aux capacités d’intervention rapide dans un rayon plus ou moins étendu.
On le voit bien, le maillage territorial des unités doit pouvoir faire l’objet d’une réévaluation régulière, territoire par territoire, pour correspondre aux réalités contemporaines et locales et aux attentes de la population. Cela signifie en filigrane une modularité plus importante des effectifs en fonction des besoins des territoires et une capacité sur le plan immobilier à limiter les pertes de temps en intervention tout en réduisant les coûts structurels. On le voit bien, une certaine logique de marché du type « coût - efficacité » s'insinue dans la réflexion pour travailler à assurer une plus grande égalité des populations face à l'offre de sécurité.
La fermeture de certaines brigades apparaît dès lors inéluctable pour éviter les déplacements incessants de personnels entre brigades chef-lieu et brigades de proximité qui sont coûteux en temps et en carburant et peuvent se révéler d'une moindre efficacité en termes de surveillance. Une plus grande réactivité des unités doit constituer l'objectif de toute nouvelle organisation, surtout en milieu périurbain où une telle qualité est plébiscitée par la population.
22. Des dispositifs et des hommes
221. Une nouvelle synergie avec les polices municipales
Mais il importe qu’une autre réforme soit réalisée également au niveau des collectivités territoriales pour trouver un meilleur partenariat entre les différentes composantes de la sécurité locale. En effet, le terrain d’exercice des policiers municipaux est soit la commune, soit l’intercommunalité lorsqu’il existe une mutualisation des moyens dans le cadre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
Il convient d’évoluer vers une plus grande souplesse dans la mutualisation des moyens et de rechercher une cohérence territoriale pour que les moyens affectés dans les différentes communes soient utilisés et mis en cohérence avec les stratégies plus vastes de territoires où la gendarmerie est en mesure d’apporter une réelle expertise, ne serait-ce qu’en termes d’évocation statistique des problèmes locaux. Il semble nécessaire d’évoluer vers une police des territoires où polices municipales, gardes-champêtres et agents de surveillance de la voie publique (ASVP) travaillent ensemble et de concert avec la gendarmerie.
Certes, il existe bien çà et là un partenariat entre ces différentes entités mais il reste bien souvent à l’état embryonnaire, soumis au bon vouloir des hommes et non à des processus réfléchis et contractualisés. Beaucoup de conventions de coordination entre les polices municipales et la gendarmerie restent à l’état de vœux pieux (Denion, 2006 : 107) dont une politique de gouvernance moderne de la sécurité ne peut s’accommoder. Sur les rapports plus particuliers entre les policiers municipaux et les services de sécurité de l’État, on se rend compte que plus il existe une coopération étroite entre eux plus se développe une identification d’intérêts communs conduisant à un partenariat actif (Malochet, 2009).
La délinquance n’a jamais eu de frontières et il est grand temps de sortir de certaines féodalités qui se révèlent contre-productives en faisant le jeu des délinquants. L’échange d’informations et la circulation du renseignement sont nécessaires pour mieux sérier les problèmes d’insécurité et identifier les délinquants et les organisations criminelles. Les États-Unis disposent en la matière d’un savoir-faire et d’une avance au travers des Compstat24 et des Ilp25, dont il convient de s’inspirer. Les délinquants ont vite fait de détecter les vulnérabilités institutionnelles et de s’en jouer mais ils ne peuvent en permanence se cacher de tout le monde.
Dans ce domaine, la communication entre les divers agents chargés de la sécurité (y compris ceux de première ligne) ainsi que le recours à la vidéoprotection et de manière plus générale à la prévention situationnelle26, feront la différence.
Les missions toujours plus nombreuses confiées à la gendarmerie, notamment dans le domaine judiciaire, ont pour corollaire une moindre présence sur le terrain malgré tous les efforts de proximité réalisés en direction des populations. Il apparaît donc indispensable de faire l'inventaire de toutes les forces en présence pour mettre en place un « contrôle territorial »27 aussi serré que possible. Il devra prendre en compte le caractère rural ou périurbain, les problématiques locales de sécurité et les mesures mises en œuvre pour s’y attaquer en fonction des compétences et de la disponibilité propres à chacun. On économisera ainsi les deniers publics sans pour autant sacrifier le bien-être des populations qui restent très exigeantes en l'espèce aussi bien en milieu rural que dans les zones périurbaines.
Il faut, et c’est encore plus vrai au niveau local, s’attacher à éradiquer la délinquance et non plus simplement la déplacer (Ocqueteau, 2003), ce dont on s’est contenté pendant de trop nombreuses années. Cela passe par une évolution des mentalités chez les policiers municipaux consistant à abandonner l’esprit de clocher pour s’inscrire dans une véritable mission de service au public. Il y a donc un effort de formation à réaliser afin que l’on sorte de cette hétérogénéité des polices municipales bien souvent due à la diversité des territoires et à la variété des doctrines d’emploi28. Cela demande une véritable coordination au niveau local pour que chaque entité chargée de la sécurité se répartisse la tâche de surveillance de la manière la plus appropriée en débloquant des effectifs dans les créneaux les plus criminogènes. Cela signifie de changer les habitudes de travail pour répondre à la demande tout en étant capable de fonctionner en commun pour mobiliser et mutualiser les savoir-faire.
222. Sortir des schémas traditionnels d’aménagement du territoire
Les politiques conduites en termes d’aménagement du territoire doivent intégrer progressivement les questions touchant à la sécurité. Il n’est pas concevable que les échelons locaux continuent à vivre dans le déni vis-à-vis de celle-ci. La sécurité à l’échelon d’une commune ne paraît plus forcément pertinente et il convient de travailler en l’espèce sur les notions de territoires élargis qui offrent l'avantage d'une cohérence plus forte vis à vis des bassins de délinquance auxquels la gendarmerie est confrontée. Un effort a été fait dans le domaine des dispositifs territoriaux de sécurité et de prévention de la délinquance pour développer l’intercommunalité au travers notamment des contrats locaux de sécurité intercommunaux, des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) et maintenant des stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour autant, les vieux schémas perdurent et les maires ont parfois de la difficulté à abandonner leurs prérogatives au profit d’une communauté plus vaste. Mais à l’heure où la France compte encore autant de communes que celles qui étaient dénombrées dans le reste de l’Europe lors de sa création, il sera de plus en plus nécessaire de prévoir des regroupements de communes pour mutualiser les moyens aussi bien humains que matériels et faire des économies d’échelle devenues indispensables pour fonctionner au meilleur prix. La vie des petites communes rurales et l’équilibre de leur budget en dépend.
223. Une proximité adaptée au rural et au périurbain
Dans le domaine de la sécurité, il sera sans doute nécessaire de repenser la sécurité à l’aune de la ruralité et des territoires périurbains. La police de proximité est appelée à apporter des réponses pertinentes aux différentes formes de délinquance observées en privilégiant dans le domaine rural la prévention et le contact29 qui constituent une approche personnalisée propre à redonner confiance aux populations évoluant notamment en milieu rural traditionnel ou profond (Dalier, 2012). La police de proximité est sans nul doute la police de la qualité de la vie destinée au service de la population (Quero, 2009). Dans les zones périurbaines ou le rural touristique, cette proximité doit davantage se traduire par une prévention fondée sur le triptyque « intervention – dissuasion – médiation » pour faire échec aux différends familiaux et de voisinage ainsi qu’à la délinquance propre qui se développe en journée du fait de la migration des populations vers les pôles urbains pour le travail.
224.Pragmatisme et inventivité
Chaque vulnérabilité nécessite une prise en charge spécifique avec la recherche de solutions adaptées. Si l’approche en termes de sécurité doit rester globale, le dispositif particulier mis en œuvre doit respecter l’environnement local dans lequel il se déroule.
Les bonnes pratiques s’inscrivent dans cette dynamique. Un certain nombre de projets ont été conduits pour lutter contre l’isolement du milieu rural avec un effort en direction des personnes âgées qui participe au désenclavement des communes éloignées de tout centre urbain.
D’autres expérimentations ont été développées dans le cadre des violences conjugales.
On peut citer encore certains dispositifs qui ciblent plus spécifiquement les populations jeunes et scolarisées vers lesquelles il apparaît de plus en plus nécessaire d’investir au regard de la prévention de la délinquance. Il s’agit au travers de ces quelques exemples de lutter contre certaines vulnérabilités ou déviances observées tant dans le monde rural que périurbain.
23. Vers une déconcentration et une décentralisation de la sécurité
Le département constitue depuis la Révolution la référence en matière d'organisation administrative de la France. La réforme de 1982 en a fait une collectivité territoriale de plein exercice où décentralisation et déconcentration sont éprouvées conjointement. La commune a connu un sort analogue et est devenue depuis la Révolution un territoire majeur pour la sécurité. C'est sur ce territoire qu'est instituée la police administrative autour d'une police municipale, elle-même dirigée par un élu.
231. Partenariat et prévention de la délinquance
À partir de 1982 sont mis en place sous la houlette du maire d’Épinay-sur-Seine, les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD), premier dispositif partenarial à voir le jour et qui est à l'origine de tous les dispositifs subséquents. La complexité du phénomène sécuritaire nécessite en effet une analyse croisée et poussée ainsi qu'une prise en charge pluridisciplinaire. C'est à partir de ce moment qu'émergent de nouvelles gouvernances territoriales (Portet, 2009). Elles se traduisent par une contractualisation entre différents acteurs qui s'ignoraient au mieux jusque là, et au pire, s'opposaient.
232. Une institutionnalisation progressive du partenariat
Dans les années 90, la référence à l'intercommunalité commence à se développer dans le champ de la sécurité. C'est particulièrement le cas en 1997 avec les contrats locaux de sécurité qui développent une véritable ingénierie de la sécurité au niveau local. Le partenariat, constitué d'acteurs institutionnels, d'élus, de personnes privées (commerçants, bailleurs sociaux, transporteurs, etc.) et même d'associations, est le garant d'une pluridisciplinarité de réflexion, de conception, et d'action.
Cela se traduit par un diagnostic local de sécurité partagé, qui doit permettre d'identifier les différentes priorités et répondre aux attentes de la population.
Le plan d'action, quant à lui, a pour fonction de donner une réponse structurée à chaque problème en désignant clairement les chefs de projet et les partenaires, en précisant le calendrier et en attribuant les moyens pour conduire l'action.
Enfin l'évaluation des actions de sécurité conduites au plan local constitue une avancée notable dans la mesure où elle doit permettre de mesurer le chemin parcouru et d'identifier les pistes d'amélioration.
Le CLS a en effet vocation à lutter précisément contre la petite et moyenne délinquance, les incivilités et faire en sorte de réduire le sentiment d'insécurité. Préfet, procureur de la République et maires sont les signataires historiques du CLS auxquels viennent ponctuellement s'adjoindre d'autres acteurs. Même si le document ne revêt aucune valeur juridique à proprement parler, il formalise la volonté des institutions départementales et communales de s'attaquer aux difficultés quotidiennes des habitants.
Pour autant, la territorialisation proposée par le dispositif CLS procède à des découpages géographiques parfois artificiels, souvent inopérants en termes de réponses aux manifestations de délinquance (Portet, 2009) et finalement manque en partie son but de lutte contre la petite et moyenne délinquance. Les CLS, même s'ils sont critiqués tant sur la méthode que sur les résultats, conservent pour autant toute leur pertinence en matière d'ingénierie. Ils marquent la césure entre le « tout État » au plan de la lutte contre l'insécurité et la coproduction de sécurité qui est le résultat d'un recours systématique au partenariat notamment au travers de la prévention de la délinquance.
La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 engage un mouvement progressif de transfert des compétences en matière de prévention de la délinquance. La loi n° 2001 – 1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne reconnaîtra, quant à elle, le rôle des établissements intercommunaux dans l'élaboration des politiques de sécurité.
233. Le rôle affirmé du maire dans le concert de la sécurité
Avec la circulaire de juillet 2002 sur les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, c'est le maire qui prend une nouvelle stature dans le concert de la sécurité. Il devient l'homme clé de la prévention de la délinquance et préside le CLSPD. Ce dernier a pour vocation à constituer le lieu de concertation entre les acteurs de l’État, les collectivités territoriales et ceux du secteur économique et social.
L'intercommunalité, quant à elle, marque le pas. Au 30 juin 2006, seuls 195 contrats locaux de sécurité (CLS) sont intercommunaux sur les 687 recensés. En outre, leur nombre tend à décroître régulièrement. La géographie des CLS doit en principe s'articuler à celle des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), successeurs des contrats de ville (CDV) dans les zones de la politique de la ville en constituant le volet prévention citoyenneté de ces derniers. Le CUCS harmonise l'ensemble des dispositifs existants sur un territoire concerné et organise la mise en œuvre du projet social et urbain en faveur des habitants des quartiers en difficulté reconnus comme prioritaires. Ces contrats, d'une durée de trois ans, reconductibles, sont proposés par l’État aux villes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétents (Froment, 2009).
La circulaire du 4 décembre 2006 sur les CLS nouvelle génération (CLS – NG) ne développe pas paradoxalement ce volet de l'intercommunalité. L'intercommunalité en matière de sécurité peut être de nature à complexifier la situation et la rendre difficile à gérer au quotidien, ce qui n'est pas forcément le cas sur un territoire communal. Pour autant, cette circulaire se veut plus opérationnelle en ciblant les territoires effectivement exposés à une activité délinquante soutenue.
La consécration du maire comme pilote incontournable de la prévention de la délinquance est désormais scellée le 5 mars 2007 avec la loi sur la prévention de la délinquance. Les CLSPD deviennent obligatoires dans les communes de 10.000 habitants ou celles comprenant une zone urbaine sensible (ZUS). Si la sécurité reste sous la direction du préfet et du procureur de la République, le management en revient aux président du conseil général dans le cadre du conseil départemental de prévention (CDP).
Toutes ces réformes rapides et souvent complexes ont pu dérouter et démobiliser certains intervenants qui y voyaient un empilement de dispositifs et de procédures, mais aussi un moyen de diluer les responsabilités entre une multitude d'acteurs. Pour autant, au fil du temps, on conçoit davantage cette stratégie comme le moyen le plus efficace pour s'attaquer de manière coordonnée non plus seulement aux effets mais aux causes de la délinquance sur un territoire donné. La pluridisciplinarité est en effet censée apporter une réelle plus-value dans le traitement des cas de délinquance récurrents ou complexes. Le fait de sortir des cloisonnements institutionnels a permis sans nul doute de développer des mesures innovantes. L'échange des bonnes pratiques et l'intégration progressive des expérimentations étrangères ont été à l'origine d'une évolution rapide des modes d'action et cette manière de faire n'est pas de nature à être remise en cause.
234. Définir un territoire pertinent
Ces nouvelles gouvernances de la sécurité permettent aussi de rechercher la définition d'un territoire pertinent pour agir efficacement. La recherche de cohérence dans l'action apparaît évidente. Si la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013 – 2017 précise que « la politique de prévention de la délinquance est par essence partenariale », elle indique sans équivoque que le département est le premier niveau de déclinaison des mesures préventives décidées (SG-CIPD, 2013) au niveau national.
C'est bien quelque-part la confirmation d'une certaine déconcentration de l'action de l’État sur un territoire plus pertinent en tenant compte de sa spécificité et en refusant de plaquer sans discernement des procédures qui pourraient se révéler à l'usage totalement inadaptées. C'est donc par le biais du plan départemental que la stratégie nationale s'opère concrètement. Si le préfet en demeure l'acteur majeur et dispose à cet égard de fonds déconcentrés du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), le plan départemental de prévention de la délinquance doit aussi permettre aux autres partenaires de s'exprimer et va être à son tour décliné dans les CLSPD ou les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).
On s'oriente de cette manière vers une politique de sécurité et de prévention de la délinquance plus rationnelle et opérationnelle visant à clarifier le rôle et les responsabilités de l’État et des collectivités territoriales en les passant au tamis des réalités locales, qu'elles soient départementales, intercommunales, communales voire même infra-communales. C'est un gain en cohérence qui est clairement affiché (cf. schéma infra).
Cette concertation et cette interaction entre les différents échelons ont aussi pour objectif de ne pas laisser les maires isolés et démunis dans cette tâche tout de même récente encore pour eux. Tous les services de l’État (police, gendarmerie, justice, protection judiciaire de la jeunesse, services pénitentiaires d'insertion et de probation, éducation nationale, etc.) ont donc vocation à épauler le maire dans la résolution des problèmes auxquels il est confronté, qu'il s'agisse des mineurs, des délinquants d'habitude, des populations itinérantes, marginalisées ou déviantes. Au titre de la décentralisation, le conseil général est, quant à lui, de plus en plus sollicité et associé à ces différentes mesures.
Source : comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD)
Les autres acteurs du secteur économique et social s'insèrent de plus en plus dans ce cercle vertueux du partenariat dans la mesure où ils sont détenteurs dans leur sphères de compétences de renseignements importants pour la sécurité et sont également désireux de tisser des liens avec les autres acteurs de la sécurité pour être plus efficients dans leur mode de régulation des problématiques sociales (il en va ainsi des commerçants, des transporteurs, des bailleurs sociaux, des entreprises de sécurité privée30, etc.).
Conclusion
Il est possible de faire deux approches différentes de l'appropriation territoriale. Il y a tout d'abord l'approche coercitive qui peut être réalisée par la police ou la gendarmerie et qui se caractérise par des injonctions, des interdictions voire dans les situations les plus critiques par des arrestations.
Il y a une autre approche qui est celle de la médiation qui passe par le dialogue, la concertation, la conciliation ou encore la médiation sociale31. Même si policiers et gendarmes ont une action contraignante à l'égard des usagers, ils peuvent également recourir au dialogue pour inciter les usagers à avoir des comportements conformes aux normes. En fait, entre les deux types d'appropriation, on passe d'une sécurité déconcentrée mais étroitement encadrée à une sécurité décentralisée, partenariale et même parfois privatisée.
De plus en plus, et ce constat est valable pour l'ensemble de la planète, on constate que des espaces publics sont surveillés par des entreprises privées. Il en va ainsi des grands centres commerciaux, des galeries marchandes, des parcs d'attraction et autres complexes récréatifs.
Au fil du temps, compte tenu de l'évolution de la délinquance, des violences, et de l'accroissement des exigences des habitants, on est passé d'une prérogative purement régalienne de l’État à une coproduction de la sécurité. Faut-il y voir un déclin de l’État ? Sans doute, mais pour autant, cette évolution n'est pas choquante quand on sait la complexité et l'hétérogénéité des problèmes d'insécurité. Est-il utile et nécessaire que l’État soit présent sur tous les fronts ou vaut-il mieux qu'il se réserve sur les points où il est le seul à pouvoir faire la différence avec les autres acteurs. Sans doute est-ce là que ce situe la vraie question.
Les dispositifs officialisant le partenariat de la sécurité se sont développés à partir des années 80 et n'ont cessé de prendre de l'importance et de se structurer démontrant de ce fait leur intérêt et leur pertinence. Le maire est devenu la clef de voûte de la prévention de la délinquance et il faut bien le reconnaître, par le biais de sa police municipale, le chef de file de la sécurité de proximité auprès des habitants de sa commune. Les territoires disposent chacun de leur propre originalité et si le traitement en matière de lutte contre l'insécurité doit être égalitaire pour maintenir la cohésion nationale, il n'est pas toujours pertinent d'appliquer indistinctement les mêmes remèdes d'une région à l'autre, d'un département à l'autre ou encore d'une commune à l'autre. Tout cela au fond pour dire qu'il faut réfléchir globalement aux questions de sécurité et agir localement au niveau des territoires et en fonction de leurs spécificités.
Dominique DALIER, docteur en science politique
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1Failed State.
2Aux USA, les points chauds peuvent désigner une adresse, un pâté de maisons ou un ensemble de ceux-ci. Le terme de point chaud signifie que la délinquance y est plus élevée qu'ailleurs ou que le risque d'y être victimisé est plus élevé (Gonzalès, Shofield, Hart, 2005 : 2)
3La Charte d'Athènes (1942).
4On comptabilise près de 23 % de chômeurs dans les ZUS. La classe d'âge des 15 à 24 ans est touchée à hauteur de 40, 4 % dans les ZUS contre 21,6 % hors ZUS (Source : Observatoire des inégalités).
5Zones de non-droit.
6Un pôle urbain est une unité offrant au moins 10.000 emplois et qui n’est pas situé dans la couronne périurbaine d’un autre pôle urbain. En 1999, la France métropolitaine comptait 354 pôles urbains regroupant 3.100 communes (8 % du nombre total des communes) et rassemblant 35.708.162 habitants (61 % de la population française) sur 44.030 km² (8 % de la superficie) – données INSEE. On distingue également des moyens pôles, unités urbaines de 5.000 à 10.000 emplois et les petits pôles – unités urbaines de 1.500 à moins de 5.000 emplois.
7Jouenne, Noël, 2007, Op. Cit., p. 32
8La mise en place d'une surveillance réticulaire consiste à recenser tous les partenaires utiles [bailleurs sociaux, transporteurs, commerçants, agents de surveillance de la voie publique (ASVP), citoyens impliqués dans le tissu associatif, agents de surveillance des sociétés de sécurité privée, etc.], dans une zone géographique déterminée afin d'assurer une couverture optimale de surveillance. Il s'agit de constituer un réseau de citoyens actifs, capables de communiquer des informations de premier choix en termes de sécurité. Les informations ainsi collectées doivent permettre d'identifier les problèmes émergents, de les anticiper en relevant les signaux faibles de délinquance révélateurs d'une crise en préparation, et d'orienter les surveillances pour intervenir de manière opportune dans les lieux et aux heures les plus exposés.
9Densité de population inférieure à 10 habitants au km².
10La densité de population n'y dépasse guère les 30 habitants au km².
11Ce sont les campagnes telles qu’on les conçoit habituellement et qui se définissent par rapport à leur opposition à la ville. Le rural, dans la première moitié du XXème siècle se confond avec le monde agricole et les activités qui lui sont utiles, pour les hommes, les animaux et la terre. C’est un monde de cultures multiples, rythmées par les saisons et les étapes de la vie des hommes et des localités. Clavel, Maïté, Pour une recherche sur les pratiques des périurbains, in Communications, 73, 2002, p. 203 – 216.
12Ce sont les zones enclavées et dépeuplées pratiquement dépourvues de services publics et d’activités économiques. Elles se caractérisent également par leur éloignement des centres urbains. L’accès à ces zones est également rendu difficile du fait de la configuration du terrain et de l’état de l’infrastructure ferroviaire et routière qui participent à cet enclavement.
13Ces zones subissent de fortes variations saisonnières au plan de la population en raison des migrations touristiques.
14Jouenne, 2007, Op. Cit.
15Ibidem.
16Jouenne, 2007, Op. Cit.
17Augmentation de 45 % chez les hommes avec un taux de 33/100.000.
18Jouenne, Noël, 2007, Op. Cit., p. 47.
19Ce fut le cas du groupe d’Action Directe réfugié à Vitry-aux-Loges et de certains villages du Pays Basque suspectés de donner abri à des membres d’Iparretarrak.
20Op. cit. p. 47.
21Multiplication des dégradations et des incivilités, croissance de la délinquance et notamment des cambriolages en pleine journée, diffusion du sentiment d’insécurité, accroissement des conflits de voisinage, violences intrafamiliales, etc.
22Il s’agit d’un concept visant à regrouper les polices municipales avec les gardes-champêtres et les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) dans un corps cohérent pouvant conduire des missions de proximité de manière autonome ou en relation avec les unités de gendarmerie (cf. infra).
23Le premier maillage territorial de la gendarmerie au sens moderne du terme remonte à l'édit du 9 mars 1720 qui constituait pour l'époque une innovation spectaculaire. Elle résidait dans la répartition des effectifs de la maréchaussée dans 565 brigades de 5 hommes distantes les unes des autres d'une dizaine de lieues et chargées de surveiller les routes et campagnes dans un rayon de 5 lieues autour de leur affectation ce qui correspondait grossomodo à la distance que pouvait parcourir un cavalier en une journée.
24Computer Statistics or Comparative Statistics.
25Intelligence Led Policing. Il permet de structurer le renseignement y compris local, au service de la lutte contre les grandes criminalités.
26Cf. article de D. Dalier sur la prévention situationnelle et l'appropriation territoriale.
27Pour ne pas utiliser le terme de « contrôle de zone » qui est davantage l’apanage des forces armées dans les opérations de combat.
28Malochet, Virginie, Op. Cit.
29Cf. opérations de prévention-contact conduites dans le Gers au profit des personnes âgées, opérations tranquillité seniors qui s’apparentent beaucoup à cette forme de proximité.
30Aujourd'hui, la sécurité privée, c'est environ 170.000 agents et un chiffre d'affaires de l'ordre de 5 milliards d'euros par an (L'INSEE évoque même un chiffre consolidé de 8 milliards d'euros en 2012). L’État n'a plus les moyens financiers d'entretenir une force publique répondant à la demande des citoyens. Il est vrai que les citoyens se sont de plus en plus plongés dans une forme d'hédonisme sécuritaire et sont devenus de plus en plus exigeants dans ce domaine (Latour, 2012).
31Selon la définition adoptée officiellement en 2000 (source ministère délégué à la ville) à l'occasion d'un séminaire européen organisé par la délégation interministérielle à la ville, « la médiation sociale est un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l'organisation d'échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose ». Cette définition la spécifie et la distingue des autres types de médiations et notamment dans le domaine judiciaire (médiation pénale, médiation familiale) ou dans celui plus conventionnel qui concerne les négociations commerciales ou les conflits du travail.
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