Sécurité intérieure
Introduction
La sécurité, thème récurrent dans l'actualité depuis les années 80, se confond parfois à celui de défense au regard de la fongibilité des menaces et de leur évolution récente. Pourtant, la construction de l’État moderne apparaît déjà au XVIème siècle et se construit autour de la sécurité, point de convergence entre philosophes et juristes.
Grâce aux sociologues et criminologues, à la sécurité privée et à la multiplication des dispositifs novateurs, il est aujourd'hui plus aisé d'appréhender cette notion. C'est la police, dans son acception générique, qui conduit les actions de sécurité. Celles-ci naissent de la rencontre entre malfaiteur et policier et modélisent leurs rapports.
La question sémantique est importante. L'action de sécurité, « policing » en anglais, est le corollaire de trois rôles tenus par le protégé, le protecteur et le délinquant. Elle se décline autour de quatre fonctions : renseignement, prévention, police judiciaire et gestion de crise. Enfin, elle découle de l'interaction dynamique existant entre le professionnel de la sécurité et le délinquant.
Ainsi, si la notion de sécurité intérieure est une notion difficile à dissocier de son environnement (I), elle dispose néanmoins d'une autonomie certaine (II).
I. LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE, UNE NOTION DIFFICILE À DISSOCIER DE SON ENVIRONNEMENT
Si la sûreté est objectivement l'état d'une personne ou d'un bien à l'abri de tout danger, la sécurité n'est que le sentiment de celui qui se croit à l'abri du danger. La sécurité intérieure va s'efforcer de protéger une collectivité dans un espace donné contre une menace interne contrairement à la défense qui la préserve face à une menace extérieure. Le lien qui s'établit entre ces deux concepts est le résultat de l'histoire. Leur point commun, c'est l’État car sa naissance est la résultante d'un besoin de sécurité et c'est le souverain qui met fin à la violence en restaurant le droit.
Ces principes, simples en théorie, sont quelque peu brouillés par les missions militaires confiées à la gendarmerie. Le recours à l'armée en renfort des forces de sécurité pour le règlement de troubles intérieurs ne participe pas non plus à la clarification des rôles. L'armée conduit des actions militaires sans que la France déclare la guerre pour autant. L'Afghanistan et la Libye en sont une illustration récente. À l'inverse, la survenance d'actes de terrorisme sur le territoire national démontre que certaines menaces extérieures relèvent de vulnérabilités intérieures et que la notion « délinquant-ennemi » n'est plus aussi tranchée que par le passé. Aujourd'hui, la dichotomie entre défense et sécurité n'apparaît plus pertinente au regard de la mondialisation des menaces et d'autres facteurs dont le développement des zones de relégation.
Transition
Du fait parfois de la confusion des genres qui est faite entre ces différentes notions, le risque est de ne plus distinguer ami et ennemi et, à terme, d'utiliser à l'intérieur comme au-delà des frontières des méthodes pour faire régner l'ordre que la morale et le droit réprouvent.
II. LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE, UNE NOTION JOUISSANT CEPENDANT D'UNE CERTAINE AUTONOMIE
Si à l'intérieur, on lutte contre des malfaiteurs, à l'extérieur on se bat contre des ennemis. La réaction est plus mesurée à l'égard des premiers et soumise au droit interne. Elle se révèle intransigeante pour les seconds allant jusqu'à l'extermination. Cette distinction entre sécurité et défense est à l'origine de l'émergence de la police et de l'évolution des maréchaussées à partir du XVIème siècle et c'est cette philosophie qui discrimine les deux fonctions de sécurité et de défense.
Mort ou dépossédé de ses biens, il n'est pas possible de vivre, dès lors la sécurité est nécessaire pour faire exister l’État et permettre de tisser un lien social entre les hommes. La lutte contre la violence est un préalable à la vie en société. La sûreté est une responsabilité de l’État inscrite dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen comme un droit naturel et imprescriptible. Le protecteur trouve sa raison d'être dans le fait qu'il n'est pas possible d'assumer seul et en permanence sa propre protection.
Le rôle du protégé est essentiel également dans la mesure où c'est lui qui détermine la charge de travail du protecteur au travers de ses appels et sollicitations. Lorsqu'il y a rupture de dialogue entre ces deux acteurs, comme dans les zones de non-droit ou celles infiltrées par les mafias, l'action de sécurité ne peut s'exercer normalement même si la menace est indispensable pour justifier l'existence d'une action de sécurité.
Qu'il s'agisse de sécurité publique ou privée, on retrouve toujours quatre fonctions essentielles : le renseignement, la prévention, la police judiciaire et la gestion de crise. Cette situation s'explique par le fait que l'action de sécurité débute en amont de la commission du crime et se poursuit une fois celui-ci consommé d'où une nécessaire polyvalence des forces de l'ordre. Elles doivent pouvoir anticiper le danger, réagir avec force ou limiter les effets d'une crise.
La réflexion doit précéder l'action et le renseignement trouve ainsi sa justification en permettant d'organiser la prévention, la répression ou mettre en place une stratégie face aux phénomènes complexes. Il se traduit par des bases de données, des rapports d'analyse, des informations localisées. Il participe à la dissuasion, parfois à la résolution d'enquêtes mais surtout à la planification d'actions de sécurité et à leur évaluation.
La prévention intervient en amont de la coercition pour faire échec à la délinquance ou en réduire les effets. Son impact est reconnu, y compris à l'égard des menaces les plus graves. À vocation éducative pour les jeunes, elle sait aussi prendre en charge certaines situations pour décourager les malfaiteurs les plus déterminés de passer à l'acte. La prévention s'intéresse aux signaux faibles, aux incivilités qui portent en germe de plus grands désordres.
La répression intervient quand la prévention a échoué. Elle se traduit par des investigations, des interpellations, au besoin par la force, et la remise à la justice des fauteurs de troubles.
La crise ne doit pas dégénérer en catastrophe et induit une réaction rapide. Il faut rétablir au plus vite l'ordre, secourir les personnes et sécuriser les biens tout en restaurant les contrôles sociaux. Altercations, rassemblements, incivilités, personnes disparues ou blessées, catastrophe naturelles ou anthropiques provoquent des troubles graves et des situations labiles. Policiers et gendarmes vont devoir se substituer aux acteurs traditionnels pour apaiser, pacifier, secourir ou rassurer.
Conclusion
L'interaction entre policier et délinquant est consubstantielle de l'action de sécurité. On peut noter cependant que plus un crime est grave et plus il est rare du fait du caractère dissuasif de la sanction. De même, le recours à la force demeure exceptionnel car policiers et gendarmes, dès lors qu'ils ont un peu d'expérience, se montrent peu enclins à la violence, fut-elle légitime. Il n'en usent que dans la moitié des cas où elle se justifierait.
La neutralisation des délinquants passe par une observation et une surveillance constantes. Lorsque le seuil d'intolérance à l'insécurité est atteint, il est temps d'y mettre un terme en prenant les mesures à même de donner un coup d'arrêt aux exactions commises.
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